Contrairement à d’autres régions de la planète où la surpêche a gravement épuisé les stocks de poissons, l’Arctique canadien a été très peu exposé aux pêches commerciales d’ampleur industrielle. Bien qu’il y ait eu des épuisements de stocks localisés récemment, les eaux de l’Arctique fournissent abondamment de poissons, de mammifères marins et d’oiseaux marins.

Les poissons sont une source principale de nourriture pour les 53 collectivités côtières d’Inuit Nunangat  dans l’Arctique canadien, et les résidents dépendent des pêches communautaires à petite échelle. Presque partout dans le Nord, l’omble chevalier arrive au deuxième rang après la viande de caribou comme aliment de base dans l’alimentation des gens.

Glace fondante, accès accru

Le réchauffement des océans et la glace fondante entraînent un accès industriel accru qui pourrait poser des risques pour l’écosystème fragile. Le changement climatique a aussi commencé à forcer certaines espèces de poissons à se déplacer vers le nord à la recherche d’eaux plus froides, et ces migrations pourraient déplacer des espèces arctiques établies, perturbant des réseaux alimentaires déjà mis à l’épreuve.

Les politiques en matière de pêche du Canada sont fondées sur des approches prudentes et découragent la délivrance de permis pour la pêche commerciale à grande échelle dans les zones où les données scientifiques sont insuffisantes pour assurer un niveau de pêche durable. Malgré cela, le nombre de demandes déposées auprès de Pêches et Océans Canada (POC) pour de nouvelles pêches exploratoires a augmenté au cours des dernières années. Cette situation soulève la question de la protection d’un écosystème marin qui pourrait prendre beaucoup de temps à récupérer en cas de surpêche ou même ne pas récupérer du tout. L’Arctique attire un mélange complexe et en expansion d’expédition industrielle, de pêche exploratoire et de chalutage qui pourrait détruire des populations de poissons clés et d’importants habitats.

Une nouvelle approche à l’égard de la gestion de la pêche exploratoire

Les plans axés sur les écosystèmes sont un nouvel outil pour gérer les pêches exploratoires dans l’Arctique et protéger leurs richesses naturelles pour les générations futures. Ces plans placent les pêches dans le contexte grandement plus large de l’écosystème environnant, tiennent compte des pressions industrielles et humaines sur les habitats et cherchent à faire en sorte que les pêches ne perturbent pas indûment ces systèmes. Cette approche n’ignore pas ni ne rejette les activités commerciales, mais accorde la priorité à l’emploi durable pour les collectivités du Nord et à la présence des protections écologiques suivantes :

  • une exploitation des ressources fauniques durable définie et un modèle de pêches examiné par les pairs;
  • des niveaux de productivité de l’écosystème établis;
  • des protections pour les habitats de coraux des eaux froides;
  • des zones d’agrégation côtières et des zones d’alimentation des narvals.

Le plan de pêches axé sur l’écosystème de la mer de Beaufort

En 2009, l’Inuvialuit Regional Corporation, le Conseil Inuvialuit de gestion du gibier et le Comité mixte de gestion de la pêche ont décidé que les pêches communautaires à petite échelle dans la mer de Beaufort devraient être encouragées, alors que les activités à grande échelle au large de la côte ne devraient pas être autorisées.

Par conséquent, POC a signé une entente finale en 2014 afin de prévenir le commencement de la pêche commerciale dans plus de 831 000 kilomètres carrés de la mer de Beaufort au Canada. Cette entente novatrice entre le gouvernement du Canada et les Inuvialuits prévient la pêche industrielle jusqu’à ce que les scientifiques et les collectivités locales puissent assurer qu’elle sera durable. Ils évalueront chaque demande de permis en fonction des critères suivants :

  • une garantie que les populations de mammifères marins ne seront pas touchées;
  • la présence de preuves scientifiques indiquant un surplus de biomasse ou suffisamment de poissons pour soutenir une pêche durable;
  • aucune perturbation ni incidence négative sur les activités d’exploitation des ressources fauniques aux fins de la subsistance de quelque nature que ce soit;
  • procure des possibilités économiques importantes aux Inuvialuits.

Étapes vers des pêches durables dans l’Arctique

Voici les principaux développements au cours des dernières années :

  • 2014 : Un plan de gestion prudent relatif à la pêche commerciale dans la mer de Beaufort est créé avec le soutien de la région désignée des Inuvialuit, des scientifiques, des partenaires et des principaux organismes gouvernementaux. Il prévient la pêche industrielle à grande échelle jusqu’à ce que la recherche et les mesures de gestion puissent assurer une pêche durable.
  • 2015 : Le gouvernement du Canada approuve un plan de gestion de la pêche couvrant 971 000 kilomètres carrés qui protège le plateau continental le long de l’île de Baffin contre le chalutage de fond.
  • 2015 : Le Canada et cinq pays côtiers de l’Arctique signent une déclaration internationale relative aux pêches à Nuuk, au Groenland, qui protège 2,8 millions de kilomètres carrés dans les hautes mers de la partie centrale de l’océan Arctique. La déclaration affirme que ces nations ne pêcheront pas dans cette région jusqu’à ce que les recherches scientifiques indiquent que la pêche est durable et jusqu’à ce qu’un système réglementaire soit en place. En plus du Canada, les autres signataires sont la Norvège, les États-Unis, la Fédération de Russie et le Royaume du Danemark (qui comprend le Danemark, le Groenland et les îles Féroé).
  • 2017 : Le Canada, la Russie, les États-Unis, le Groenland, la Norvège, la Chine, la Corée du Sud, l’Islande, le Japon et l’Union européenne sont parvenus à un accord international contraignant sur la pêcherie en Arctique afin de prévenir le début de la pêche commerciale dans la partie centrale de l’Océan Arctique et de mener un programme conjoint de recherche scientifique dans la région.
    2017 : Le gouvernement du Canada crée sept nouveaux refuges marins dans la partie est de l’Arctique, pour un total de 145 000 km2, qui visent à protéger le récif corallien en eau froide et d’autres habitats sensibles par l’interdiction de l’équipement de pêche qui touche le plancher océanique.

Possibilités

Océans Nord soutient les initiatives suivantes relatives aux pêches dans l’Arctique :

  • les pêches axées sur les écosystèmes qui sont développées et gérées par les Inuits et qui soutiennent la culture inuite et la sécurité alimentaire;
  • les nouveaux partenariats au sein des collectivités arctiques, des scientifiques et des gouvernements qui utilisent les connaissances traditionnelles et les recherches scientifiques pour prévenir la pêche industrielle à grande échelle non durable;
  • les mesures incitatives novatrices pour limiter l’expansion des pêches arctiques existantes dans les nouvelles zones sans glaces, notamment en accordant une plus grande valeur aux zones où il y a déjà eu de la pêche plutôt qu’aux zones exploratoires où il n’y a jamais eu de pêche.

En tirant des leçons de la surpêche industrielle, nous pouvons planifier les pêches de manière prudente afin de protéger la durabilité à long terme des écosystèmes marins irremplaçables dans l’intérêt des habitants du Nord.